C’est presque le même scénario. Ce qui change c’est juste les personnages. Souvent, les acteurs principaux disposent de pouvoirs quelconques. Ils se servent de ces pouvoirs et de leurs relations à l’intérieur du camp, pour séduire les filles réfugiées. La proie identifiée, ils avancent pour le mariage. Personne ne refuse. Car, il s’agirait d’abord d’un acte de renforcement des liens de fraternité entre deux peuples. Plus tard, ce sera le gâchis.
RM a aujourd’hui 18 ans. Elle s’est mariée à un homme d’affaires célèbre à Bassiknou, le chef-lieu de la moughatâ qui abrite le camp. Elle raconte son histoire: «Au début du mariage, il dormait irrégulièrement chez ma famille au camp de Mberra. Ensuite, il m’a amenée à Nouakchott. Nous avons loué une petite chambre près de son lieu de travail. Je saurai plus tard que son lieu de travail n’était autre que des appartements meublés. Et ce qui m’a étonné le plus en lui c’est lorsqu’il m’a dit d’aller à ces lieux pour faire la prostitution» a-t-elle dit.
«Au début, je n’ai pas obéi. Mais, le monsieur m’a menacée et frappée. Il a séquestré mon téléphone. Il m’a obligé de travailler dans le sexe. ça a duré six mois: nous partons ensemble aux appartements meublés où je reçois les clients, pour retourner le soir à la petite chambre qu’on a louée. Il me surveillait de près. Mais, un jour j’ai saisi d’un moment d’inattention de sa part et j’ai fui vers mon oncle chez qui j’habite actuellement» précise RM.
RM n’a pas recouru à la justice. Prétexte: «je craignais le pire ; car, l’autre partie est très puissante» s’est-elle justifiées. Aujourd’hui, elle ne rêve que d’une seule chose: «oublier les souffrances et cauchemars du passé, et jouir d’une nouvelle vie digne et respectable».
Pour Mohamed Khamiss, réfugié à Mberra et père d’une victime, «Certes, ce type de mariage est, théoriquement, noué sur des bases juridiques solides. Mais, l’islam veut que le mariage constitue le noyau d’une entreprise sociétale de nature à ce que la société soit pérennisée et harmonieuse ; or, le mariage des femmes réfugiées à ce camp est souvent suivi par leur intégration dans des réseaux malhonnêtes» a-t-il déclaré. Il raconte l’histoire de sa fille victime de ce type de mariage. Selon lui, un bonhomme mauritanien a épousé sa fille. Le mari aurait demandé à la fille de l’accompagner pour vivre en dehors du camp. Ensuite, il aurait voulu la recruter dans un réseau de prostituées.
En revanche, le responsable d’une ONG et activiste dans le camp de Mberra, Ag Abderrahmane, ne cache pas sa crainte de voir des réseaux de prostituées exploiter ces femmes réfugiées et les recruter. D’après lui, «Ce n’est pas encore le cas».
Ag Abderrahmane indique l’importance d’outiller ce camp et ces réfugiés. Ne serait-ce que «pour les protéger des réseaux qui prennent pour alibi leurs conditions précaires pour les embrigader». Il poursuit: «Hormis les fatwas (consignes religieuses islamiques) sur le halal ou le haram dans les contrats du mariage des femmes maliennes réfugiées, il y a la responsabilité des pays récepteurs de ces réfugiées. Ces pays récepteurs ont, selon les conventions internationales et le droit humanitaire international, le devoir de les protéger de toute violation et/ou exploitation sexuelle et de leur garantir une vie décente». Il affirme que les ONGs et autorités mauritaniennes ne ménagent aucun effort pour que la situation ne se dégrade davantage.
Faty Omar, responsable des femmes à la coordination des réfugiés, pense que «Souvent, les femmes maliennes réfugiées à Mberra sont payées des dots modestes, par rapport à ce qu’elles percevaient comme dot au Mali. Cependant, la famille n’a pas souvent de choix à cause des conditions difficile qu’elle vit ; mais aussi par crainte de voir la fille entacher sa dignité, son honneur ou ceux de la famille». Faty constate que la plupart des mariages faits à Mberra finissent par échouer en dehors du camp.